5.12.14

Les brûleurs de voleurs



 Si je peux me permettre de parler de ce sujet très sensible aujourd'hui, c'est parce que dès mon plus jeune âge j'ai eu à me poser des questions sur cette pratique.

La problématique est simple : pourquoi tuer de manière aussi ignoble des gens alors qu'on peut les remettre à la police qui fera justice ?

La question de la justice populaire est vieille comme tout. Même dans la bible on en parle, avec le fameux "que celui qui n'a pas encore pêché jette la première pierre", parce que c'était alors courant de lapider les pêcheurs. En effet, ces âmes vils ne méritaient pas de vivre, à ce qu'il parait.

Je ne sais pas si je pourrais aller jusqu'à défendre ces brûleurs de voleurs devant une cour, mais une chose est sûre, je les comprends. Je souhaiterais qu'ils aient assez de recul pour se rendre compte de l'atrocité de leurs actes et qu'ils ne les commettent point, mais je les comprends.

Je lis souvent, "on l'a tué pour une moto", "tout ça pour la chèvre" , mais ceux qui émettent ces remarques font semblant. Ils font semblant d'oublier les maux que les camerounais traversent. Parlons de cette moto par exemple. Toi, jeune diplômé sans ressource, tu ne trouves pas de travail, tu n'as pas de moyen de poursuivre des études à priori inutiles, mais heureusement, tu as un bon tonton qui te laisse gagner des sous en faisant moto-taxi, il te prête sa moto.

Toi donc, dont l'unique source de revenu est cette moto (je préfère épargner le cas où le gars est même père et/ou a des petits frères sous sa responsabilité), tu te la fais voler. Ce qui veut dire plus de source de revenu, plus de quoi se nourrir, plus de quoi payer le loyer de ta maison, plus rien. Ton avenir se trouve donc à la rue, affamé. Heureusement, tu mets la main sur ton voleur.

Pensez-vous un seul instant à tous les sentiments qui peuvent animer celui qui a été volé et la population alentour qui s'identifie à lui ?

J'ai pris cet exemple de moto parce que c'est l'exemple le plus parlant, mais vous devez comprendre qu'on vit tous un peu avec cette crainte que le bandit frappe. Plus jeune j'avais entendu l'histoire de cette expatriée violée devant son mari, aux seins repassés, et qui avait fui le Cameroun. Je m'étais dit que même dans les quartiers "surveillés", on n'était pas à l'abri et ça m'a vraiment effrayée.

Beacoup diraient "le Cameroun va mal". Et c'est à ceux-là que vous voulez expliquer que ça ne se fait pas de brûler des gens ? Eux pourraient vous faire une liste de ça ne se fait pas de...

Je pense aussi à cette jeune ougandaise récemment sauvagement brutalisée par sa nounou. Après avoir découvert la vidéo des atrocités que sa petite fille d'un an a subies, le papa a corrigé la nounou à tel point qu'elle ne pouvait être nourrie que par un tube. La police a voulu l'arrêter pour ce qu'il avait fait subir à cette nounou mais quand ils ont vu la vidéo, ils s'en sont allés comme ils sont venus, mettant la nounou en prison.

Dans les pays dits développés on nous dirait sûrement que le papa devrait payer pour son crime parce que lui aussi a enfraint la loi, parce qu'on ne se rend pas justice à soi-même, etc etc.

Je veux juste dire que nous ne sommes que des êtres humains, des animaux et que des fois on agit avant de réfléchir.

Je veux juste dire que la vie n'est facile pour personne (et surtout pas pour ces voleurs), mais comprenez tout un chacun.

En tout cas pour ma part, même si je trouve le comportement profondément barbare, je ne jugerai jamais aucun "brûleur de voleur" parce que la vie n'est pas facile et que nous ne sommes que des pêcheurs...

En voilà un billet pas très "hopeful" mais bon... Cette vie n'est malheureusement pas toujours très "hopeful".

Take Care !

Deb

PS : Oui il y a une justice à deux vitesses dans notre pays le Cameroun , et Fady présente parfaitement bien les différents cas dans ce billet.

1 commentaire:

  1. Hum. Pour avoir déjà vécu la scène, sans pour autant juger, je ne peux m'empêcher de ne pas tolérer. De plus en plus, il s'agit ni plus ni moins que de scènes de tortures inutilement longues, de vidéos qu'on filme et qu'on partage sur le net. La justice populaire d'autrefois sans frioriture, sans goût particulier pour la violence mais juste expression d'une lassitude semble avoir disparu. De plus en plus de gens prennent plaisir à tuer, comme ils prennent plaisir à regarder des bagarres violentes ou à se précipiter pour regarder parfois filmer les victimes graves d'accidents. Comme pour beaucoup de choses au Cameroun, l'éternel "on va faire comment?" associé ici au "on va faire comment, puisque la police est corrompue, puisque la police les libère" etc etc... a comme dans de nombreux secteurs, pourri les mentalités et nous amènent à accepter l'innommable. De moins en moins, il s'agit même de récupérer le bien. De moins en moins, si l'agressé se hasardait à dire laisser le partir, serait-il écouté. Les biens volés sont souvent le fruit d'énormes sacrifices, des outils de vie mais il n'en reste pas moins des biens matériels et pour tout chrétien, il n'en demeure pas moins que l'homme propose, l'éternel dispose. Pour avoir été victime d'agression, je sais ce que ça fait de voir ton bien ardemment gagné, volé comme ça, sans aucune forme de procès, sans possibilité pour toi de le récupérer, sans même que tu y comprennes grand chose mais je sais au fond de moi, que je ne trouverai jamais la force d'accepter de voir mutiler un être humain. De plus, autant les victimes sont à plaindre, autant dans notre pays, le vol n'est parfois que le plus petit des chois qu'ait un individu pour survivre. Pour finir, non et non je ne pourrai moi accepter l'assassinat des voleurs. Salir son âme avec le sang d'autrui n'est vraiment pas enviable...Le fardeau demeure en nous pour l'éternité,et n'efface que très peu l'opprobre subi (ex: tuer le violeur enlevera t-il la souillure du viol? Au grand jamais..).

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