16.4.15

Elle manque à ma vie

Chaque jour, chaque heure, en tout temps, en tous lieux, elle me manque. Le pire je crois c'est que j'arrive à passer des journées sans penser à elle.

En pleine puberté, je m'étais créée une identité : Petit poisson . C'était ce que j'avais trouvé de plus pertinent pour me représenter. Je considérais que je n'étais pas à ma place, et que n'étant pas à ma place, je ne pouvais que survivre, comme un petit poisson hors de l'eau. Hors de l'eau un poisson n'a pas sa place. Ce n'est pas son environnement, il n'est pas "venu au monde" pour être ailleurs que sous l'eau, et pourtant ! J'étais ce petit poisson hors de l'eau. Et du coup je m'accrochais à tout ce que je pouvais pour ne pas sombrer. Je m'accrochais aux gens, à leurs regards sur moi, à ce qu'ils disaient de moi, à ce qu'ils attendaient de moi. Et jusqu'à il n'y a pas si longtemps, elle régnait (sans savoir, et sans que je ne me rende compte en fait) en maîtresse incontestée de ma vie. Je voyais tous mes succès ou échecs passés présents ou à venir à travers ses yeux.


C'était handicapant, c'était un fardeau. C'était cette bouée qu'on ne veut pas lâcher quand on apprend à nager, les petites roues du vélo qu'on n'ose pas retirer. Je ne sais plus trop quand exactement j'ai quand même tout laissé tomber, mais c'est arrivé ! Tout ce que je sais c'est que Anna Keds est la raison pour laquelle c'est arrivé.

Du coup aujourd'hui je fais face à mes merdes seules, et la seule personne qui me tire les oreilles, me fait stresser, m'encourage, c'est ma conscience. Oh il y a toujours Anna Keds, C., et quelques personnes. Mais celle qui était alors le pilier de ma vie est aujourd'hui hors de ce champ. Je ne lui raconte plus les moindres détails de ma vie en espérant qu'elle fasse quelque commentaire. Je n'attends plus impatiemment qu'elle m'appelle pour lui faire remarquer qu'elle oublie sa fille chérie. Je ne la tiens plus au courant de tous les événements importants à venir. Du coup il n'y a plus cette douce tranquillité à l'idée que de l'autre côté de la méditerranée elle s'est levée et a prié pour moi.

Non la veille d'événements importants il y a moi, et ma conscience. Il y a ma conscience qui me dit de ne pas sombrer dans le sommeil et d'enregistrer ce que je compte dire à cet entretien. Il y a ma conscience qui me rappelle de me lever, et qui me hurle dans le métro "tu seras en retard, et ça sera de ta faute, mais on garde la tête haute, ça ira". Sauf que près de 20 ans de cordon ombilical ne s'effacent pas.

Et si j'écris aujourd'hui c'est parce qu'elle manque à ma vie. J'écris parce que j'ai un milliard de choses à lui dire. Mais je me rappelle que ce n'est pas sa vie (elle a vécu et vit la sienne). Je me rappelle que je dois apprendre à être seule, à compter sur moi, et à l'alléger le plus possible. Je me rappelle que la personne que je dois rendre fière avant tout, c'est la personne que je regarde dans la glace tous les matins.

Elle manque à ma vie. Mais ne lui dites pas. Pas encore.

Je lui dirai quand je serai devenue une femme. Je lui dirai quand je serai devenue adulte. Je lui dirai quand je serai devenue autre chose qu'une source de maux de tête pour elle.

Je lui dirai, oui. Mais en attendant, elle manque à ma vie.

Voilà c'est écrit !

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